Discothèque
Un ghetto de riche, ou un camp de
concentration de luxe? Où l’on va par devoir, par ce qu’il faut y être, il faut
y être vu. L’ennuie général est si profond qu’on ne le remarque même pas. On s’amuse, mais tous de la même façon,
balançant monotonement son corps monotone sur une musique monotone dans un
espace monotone. Tout ces corps qui veulent séduire avant même de respirer. Ces
corps qui sont tous pareilles, long et mince, sans forme, comme des mannequins
à fringues. Même les coiffures sont copiées sur des catalogues. On cherche à
être au plus proche de la photo, au plus proche du spot publicitaire… au plus
loin de soi même. Des victimes qui s’envient et qui sont enviées pour tout ce
qu’elles représentent, tout sauf ce qu’elles sont, des victimes. Un produit, un
yaourt frais sans saveur et bientôt périssable. Même pas un yaourt mais la photo
d’un yaourt. Des photos qui dansent sans changer d’expression. Des photos
périssables, comme la discothèque qui passera de mode dans 3 jours, ou 4 avec un
peu de chance. Alors on fait tout pour attirer le beau monde, on élève les
prix, on garde l’entrée, on crée un parking VIP, une zone VIP, dans cette zone VIP
on crée une autre zone VIP, puis encore une autre…Comme dans une administration
d’espace privé, on cherche à grimper les échelons, à force de poignet de main,
de relation, de lèche…La dignité n’existe plus ici. Elle est même ridicule. On
s’aime ou se déteste en deux secondes, puis on oublie vite pour aimer de
nouveau, et détester de nouveau… Toujours du nouveau! Il faut désirer, créer
toujours plus de désir, aller plus haut, en haut des escaliers, en haut sur la
terrasse, en haut dans le ciel, si on pouvait... Le plus haut possible pour
échapper à cette terre si ennuyeuse, si vraie, si médiocrement humaine. Une île
remplie d’étranger, ou l’on ne rie qu’en anglais, tellement qu’on oublie dans
quel pays on est…De toute façon tous les pays se ressemblent non? Un éclat de
rire, Une blonde qui ferait bander un mort cache derrière sa beauté naturelle
une peur atroce de vieillir, d’être seule ou simplement d’être découverte…Elle
cache ce qu’elle est: une fille. Juste une fille, pas une super modèle, pas une
actrice ou une superstar… Ou peut être si, le temps d’une publication. Les
garçons veulent être Superman, mais leur voiture si belle soit elle ne quittera
jamais le sol. Des victimes… on vous suce le sang, votre énergie, votre
jeunesse, votre passion et votre force…On vous drogue à coup de gin tonic, on vous
enferme dans une boîte et on vous bourre les oreilles de basse sourde…Il ne
reste plus que les yeux, des regards tristes, perdus, qui ne savent plus quoi
regarder tellement y en a…Ils se regardent sans se voir. Ils ne savent pas ce qu’ils font là… Exister,
pas pour soi mais pour les autres, pour l’Autre. Tout le monde veut sortir du
lot. S’amuser plus que l’Autre. Parfois un fou essaie de s’isoler sur la
terrasse ou dans le salon privée, mais l’ennuie est partout, il vous tient à la
gorge et ne vous lâche pas. Une vraie saloperie qui brille. Tout comme la fête!
Elle resplendit, jusqu’à ce qu’on éteigne la lumière. Et en sortant on se dit:
C’est la dernière fois. Jusqu’à la prochaine fois…